La belle croissance d’un gypaéton dans une falaise kirghize
Un livre de 48 pages consacré à ce début de vie d’un oiseau emblématique peut être téléchargé au format PDF sur cette page
Libres comme le vent, les gypaètes rejoignent les barbules sans un seul coup d’ailes. Ces seigneurs de l’azur étaient-ils déjà là aux origines de la terre, à survoler glaciers et sommets? Dans ce calme le moindre bruit est suspect.
Un troupeau de bouquetins gratte le sol pour y brouter maigre pitance. Ils sont nombreux, les boucs, à glaner leur nourriture dans ces pentes colorées.
Comme les bouquetins de Sibérie, les gypaètes sont dotés d’une longue barbe qui leur donne plus d’années qu’ils n’en ont. À défaut de sages, ne les dit-on pas barbus? C’est à peine si leur ailes immenses strient le silence d’un souffle discret.
Au coeur de l’hiver, vol exceptionnel de deux barbus égayé d’approches fort courtoises…
Ce couple est régulièrement présent dans le vallon d’Adygène, dans le parc national d’Ala Archa. D’habitude, les gypaètes se nourrissent d’os et de tendons sur les carcasses nettoyées de viande. Étrangement ils emportent cette fois leur nourriture jusqu’à l’aire. Pour cause…
À près des 3000 mètres, dans une falaise de rocs orangés se perpétue le mystère de la vie animale. Ils couvent un bien précieux!
Quel que soit le temps, 55 jours durant, les deux gypaètes se relaient après d’interminables heures couchés.
Les deux adultes ne se permettent que de brèves escapades pour se dégourdir les ailes. Sans quitter l’oeuf des yeux, ni le laisser se refroidir.
Par vent fort, ils démontrent un vol en parfaite maîtrise.
La couvaison réussit! Un frêle oisillon éclot à la mi-mars. Les adultes ne le couvent plus et prêtent une attention particulière à leur nouveau-né.
Dans son mince duvet grisâtre, le gypaéton dispose d’un peu moins de quatre mois pour atteindre sa taille d’adulte, 110 jours exactement.
Encore incapable de se nourrir lui-même, il attend qu’un de ses parents dépèce une proie pour lui donner la becquée.
Si le morceau s’avère trop gros, l’adulte l’ingurgite lui-même.
Tout cela représente beaucoup de nourriture. Aussi les parents arpentent-ils sans cesse les airs, quelle que soit la météo.
De la taille d’un poulet après un mois, gypaéton, que je surnomme «neige», passe d’interminables journées couché dans l’aire de surface restreinte, gauche sur ses longues pattes. Infaillible persévérance, miracle de la création que ce minuscule être perché dans une falaise kirghize.
Je reste discret, à distance respectable de l’aire. Ma présence ne dérange pas sa croissance ni n’empêche les visites de ses géniteurs, qui me tolèrent puis m’adoptent en raison de ma présence régulière et inoffensive. J’ose me rapprocher de l’aire avec prudence.
Dans sa sixième semaine, des taches noires apparaissent à la naissance de ses plumes d’ailes. Plus le temps passe, plus « neige » est laissé seul sur l’aire. Mais ses parents ne sont jamais loin, occupés à surveiller et défendre leur territoire. Cet aigle a vite fait de l’apprendre à ses dépends.
Roi des airs, l’aigle cède préséance à l’un des plus grands vautours!
« Neige » passe des heures haletant sous le soleil ardent, scrutant le ciel alentour. Par bonheur l’ombre envahit l’aire dès le début de l’après-midi. Les heures s’écoulent, le jour succède à la nuit dans un éternel chapelet. Ainsi va la vie dans ce coin de nature silencieuse où rien ne semble se passer mais tout se déroule, siècle après siècle, selon les lois gravées dans les gènes et le roc.Le temps passe. Un peu moins de cent jours après son éclosion, gypaéton gagne en taille, en force et en appétit. Son bec est devenu puissant et précis. Il est capable de dépecer lui-même sa nourriture.
Ses longues plumes désormais noir foncées, le juvénile affiche belle prestance, un triangle blanc sur le dos.
« Neige » s’adonne à quelque exercice et déploie ses ailes qui bientôt, atteindront presque trois mètres d’envergure. Ses géniteurs, progressivement, espacent leurs visites à l’aire et « neige » les suit d’un regard envieux. La faim tenaille ses entrailles; ses exercices s’intensifient.
Cela fait 110 jours que « neige » est sorti de son oeuf. Son envol ne devrait tarder, je ne quitte pas l’aire.
Ce matin les exercices s’intensifient.
9 juillet 2021, après quelque hésitation « neige » prend son premier envol.
Jamais je ne le reverrai à l’aire, mais de temps à autres dans le vaste ciel kirghize.
Tous les animaux représentés ici ont été photographiés en pleine nature, dans le soucis du moindre dérangement.

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